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En lisant le Livre de Mô

Dans sa première édition, le livre de Jean-Yves Moyart, alias Maître Mô, était titré « Au guet-apens, chroniques de la justice pénale ordinaire ». Il projetait une nouvelle édition qui n’aurait pas été augmentée de l’hommage signé de @judge_marie, @EricMorain et @Maitre_Eolas, qu'on aurait préféré lire dans d'autres circonstances.

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le 10 SEPTEMBRE 2021,

Le livre de Maître Mô (éditions Les Arènes) en l\'étagère d\'autres twittas et twittos
Le livre de Maître Mô (éditions Les Arènes) en l'étagère d'autres twittas et twittos
Crédit photo : Bientôt premier sur Amazon

Maître Mô a toujours été présent dans ma TL, d’aussi loin que je me souvienne. Il a publié son livre, « Au guet-apens » en 2011, alors que je commençais tout juste à comprendre comment fonctionne Twitter. C’était une époque étrange où il n’était pas rare de rester un an sans tweeter après l’inscription.

Maître Mô était un modèle pour le jeune twittos, intimidant malgré son empathie évidente, mais si grand pour le jeune Padawan timide sous le béret néanmoins suprême.

Notre première conversation ne devait pourtant pas tarder, comme en témoigne cet échange sur un sujet de fond, en août 2012 :

 

J’étais fier, ce jour-là, que le grand Mô me parle. Une de ces émotions dont je me souviens, comme une étape dans ma vie de twitto. Un grand m’avait parlé.

Malgré ces débuts prometteurs, nos chemins allaient malheureusement diverger puisqu’il représenta les intérêts du rhume d’homme lors de mon autopsie réalisée par Le___Doc, en février 2017.

 

Mon autopsie
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Chacun a droit à un avocat, même la grippe. En cela, la bonne blague que nous avions imaginée avec Le___Doc était fidèle à l’avocat tel que l’incarne Maître Mô.

Le livre de Mô est le témoignage de cette incarnation. Un livre qui présente l’humanité d’un avocat dans ce qu’elle a de plus noble. Prendre soin des victimes. Défendre les criminels, les défendre tous. Leur expliquer comment ils seront jugés. Expliquer à tous, victimes et criminels, comment se dérouleront la procédure, le procès. Pourquoi l’incarcération à l’issue de la garde à vue est inévitable. Ou injuste.

 

Comme l'était le blog de Maître Mô, son livre se lit d’abord comme une plongée dans les malheurs de l’humanité, à travers ses vingt récits écrits avec grand style. Parfois délicatement romancés, ou même écrit à la première personne, celle du mis en cause. Toujours dans le respect de la structure chère à Maître Mô, avant, pendant, après.

Ces malheurs de l’humanité se jouent sur l’autoroute entre Bruxelles et Lille, en Nouvelle Calédonie, dans un bar de nuit du Vieux Lille où une vie se joue en deux secondes, dans un squat baignant dans la merde, comme dans une maison que j’imagine bourgeoise où un géniteur viole ses deux filles entre autres sévices.

Ces malheurs de l’humanité, nous les connaissons en partie parce qu’il y a les journaux, les livres écrits par les coupables ou par les victimes. Il y a même les téléfilms sur FR3 le samedi soir.

Mais le livre de Maître Mô nous offre ce qu’aucun téléfilm ni récit de procès n’a jamais exhibé dans la cruelle vérité du point de vue de l’avocat en colère, furieux à en vomir, qui fume autant de Camel qu’il y a de pages dans le dossier du juge le jour du procès.

Qui n’a pas lu Mô ne sait pas ce qu’est l’empathie.

Il faut avoir lu ce livre, avoir transpiré avec Mô, s’être révolté contre la justice sarkozyste, ses peines planchers et ses automatismes débiles, avoir souri faiblement en s’imaginant devant Odile dans son ciré jaune, avoir honte de la connasse qui avait loué le logement insalubre à ce petit couple tellement mignon qu’ils payaient leur loyer en n’ayant même ni la flotte courante ni un peu de chaleur.

Il faut avoir lu ce livre et rigolé à la description de Noël, « enfant de Frankenstein et de Nosferatu ».

Il faut s’être reconnu dans la passion amoureuse qui dévore et fait perdre pied. Avoir pleuré au récit de Jade violée par le connard qui se disait son « beau père ». Ah non, pardon, pas violée, victime d’atteinte sexuelle. Connerie de justice.

Il faut avoir eu besoin de fumer une Camel et eu envie de vomir à la lecture de ces vingt récits composés d’une plume brillante pour comprendre le métier d’avocat, pour chercher à comprendre les criminels, les vrais, les salauds qui violent, mais aussi celui qui, « en deux secondes », va voir sa vie bouleversée. La connerie que nous pouvons tous faire. Les deux secondes qui nous emmènent en garde à vue et dans la grosse merde.

Il faut avoir lu Mô pour comprendre ce que juger veut dire.

Pour comprendre la balance entre cette Justice, avec un grand J, celle de la société, qui nous protège collectivement, et ce pardon que les parents nécessairement inconsolables de la jeune femme tuée dans un accident de la route ont offert à celui qui conduisait l’autre voiture, un instant avant l'ouverture de son procès.

Il faut avoir lu Mô pour comprendre la part d’humanité que nous ne voulons pas toujours regarder. Parce que nous détournons les yeux ou juste parce que nous ne sommes pas avocat.

Il faut avoir lu Mô et sortir de cette lecture complètement groggy, à se demander pour toujours comment faire pour garder confiance en l’humain, en ce gars qui va être capable de jouer le rôle du faux coupable pendant des mois puis confier à son défenseur, après le verdict, la vérité. Enfin non, une partie seulement de la vérité. Et là on ne sait décidément plus ce que juger veut dire. Alors qu’on croyait avoir progressé.

 

La chance ne m’a pas souri puisque je n’ai jamais croisé Maître Mô dans la vie dite IRL et donc jamais fait tinter nos coupettes et allumé de conserve nos Camel.

Mais son livre (merci les Arènes 🙏🏻) a rejoint le rayon twittas et twittos d’une de mes étagères et je lirai et relirai ses textes, vers chaque 20 février. Pour retrouver l’émotion et la part d’humanité qu’il m’a apprises le week-end dernier, en lisant « Mô, le livre de Maître Jean-Yves Moyart ».

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