Grâce au blog suprême et à son génial interviewer, nous apprenons à mieux connaître le merveilleux art du vitrail grâce aux lumières de Gianni di Lorena, aka Johann Von Heckel.
#monanalyse
le 10 MARS 2022,
L'interview de Gianni di Lorena (@FaQuatrieme2)
Pour en savoir plus :
Johann Von Heckel
Bonjour Gianni, qui es-tu ? Où vas-tu ?
Il a fallu que je réfléchisse. Je crois que souvent quand on essaie de répondre à la question « Qui es-tu ? », on entend en réalité en soi-même « Quelle image souhaites-tu renvoyer ? ». Mais « Qui es-tu ? » est une question simple à laquelle il n’existe pas de réponse simple.
On « est » toujours par rapport à l’Autre, et selon cet Autre, la réponse va être différente. On est une collection de masques et de personnages. Je suis son fils et l’achèvement du but de sa vie, qui était de fonder une famille, pour ma mère. Je suis un éléphant rose, un symbole de disruption et de ré-émerveillement, ainsi qu’un accès à la seconde partie de sa vie pour mon compagnon. Je suis un artiste créateur de vitraux et de peintures sur verre dont ils apprécient la production pour mes clients.
Pour les Autres amicaux mais lointains, ou ceux qui me voient par le prisme de Twitter, je suis l’hurluberlu qui se passionne pour des sujets de niche qui n’intéressent que très peu de monde comme l’histoire des modes anciennes, ou celui qui collectionne des théières et des tasses à thé.
Pour moi-même, je ne peux être que « moi ». Juste « être ». Car on ne devrait pas avoir besoin de se définir pour être.
Quant à la seconde question, qui est de savoir où je vais, je pense qu’elle est en réalité de savoir où je veux aller. Car où l’on va, personne ne le sait, puisque personne n’a la clairvoyance nécessaire pour voir le futur (qui de plus a la sale manie de nous surprendre sans cesse). Où je veux aller, je suppose que je peux dire que c’est vers là où beaucoup le souhaitent, vers la complétion de mes projets, vers un maximum de bien-être et peut-être de bonheur avant de mourir et de retourner au néant, vers ces buts le plus longtemps possible, en meilleure santé possible.
Eh bien, si tu réponds aussi longuement à chaque question on va rentrer à la maison à pas d’heure 😳
C’est le risque avec le fait de poser des questions aussi largement ouvertes ! ;)
Je t’ai dit « bonjour Gianni » mais aurais-je dû plutôt commencer par : bonjour Johann, qui es-tu ?
Johann est justement l’un de ces masque-personnage dont je parlais. Il correspond à celui que je tourne vers l’Autre du milieu professionnel, vers l’Autre-client, l’Autre-amateur de ce que je fais de mes mains.
Gianni di Lorena pour la Lorraine et Metz ? Mais Johann Von Heckel… pour l’enfer ou les bottes ?
La Lorraine et Metz, en effet, qui sont tout simplement ma région et ma ville de naissance. Et puis l’italien parce que cela me donne l’impression d’être le protagoniste d’un opéra de Donizetti.
Johann Von Heckel quant à lui n’est ni un échappé de l’enfer, ni un bottier. Il est juste un état civil vu par le prisme déformant d’un besoin de se forger une identité (toujours ce masque) à même de faire face à l’univers de ma profession.
Car pour vivre heureux, vivons cachés, n’est-ce pas ?
Ce n’est pas moi qui tweete sous pseudo depuis ma prime jeunesse qui vais te dire le contraire.
Nous sommes à l’heure où tout se sait, tout s’expose. Dans certains cas c’est bénéfique, mais cela a aussi son revers de médaille. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de faciliter l’introduction du monde extérieur dans nos vies privées, ou en tous cas dans tous ses aspects.
Tu écris sur la page de ton site : « Nous avons besoin de lumière et de couleur pour nous sentir bien. Joyeux. Heureux. » En quoi ton art répond-il à ce besoin ?
Le vitrail, c’est la magnification de la lumière par la couleur. C’est modeler la lumière, s’en servir pour peindre, sculpter. C’est non seulement ouvrir grâce au verre un intérieur sur l’extérieur, ouvrir une fenêtre sur un autre univers à la façon d’un tableau, mais c’est aussi ouvrir un quotidien sur une joie simple, issue d’une réalité presque banale mais essentielle et qu’on oublie peut-être trop souvent, habitués que nous sommes à vivre dans la grisaille de la bétonisation : s’entourer de beau nous rend heureux.
Et ça marche ? Tu as des preuves ? Des témoignages ?
Jusque-là, les clients que j’ai eus ne m’ont toujours renvoyé que des preuves de bonheur et d’émerveillement, ce qui me réjouit par rebond et permet de mettre en veille pour un temps mon syndrome de l’imposteur.
Comment es-tu venu à l’art du vitrail ? Un rêve d’enfant ? Une vocation venue au hasard du temps ?
C’est un semi-hasard. Ou peut-être justement l’inverse de cela, si on croit que rien n’arrive sans raison.
C’est une reconversion que j’ai entreprise quand j’ai réalisé que ce que je faisais avant n’était finalement pas pour moi. Je ne savais pas bien ce que je voulais faire, mais je savais qu’il fallait que cela reste dans le domaine des arts, que c’était un point essentiel et vital. Alors j’ai pris la liste des artisanats d’art enseignés en France, éliminant au fur et à mesure tous ceux pour qui j’avais déjà dépassé l’âge d’enseignement ou pour lesquels il fallait un ou des diplômes préalables (qu’est-ce que l’on aime les bouts de papier, en France !).
Le vitrail était l’un de ceux-là. Je me suis alors rappelé que ma mère aurait aimé apprendre cet artisanat lorsqu’elle était plus jeune, et c’est ce qui m’a décidé.
En parlant de ton art, peux-tu révéler aux millions de lecteurs du blog suprême les différences entre vitrail, Tiffany ou encore peinture sur verre ?
Il n’y a en réalité pas de différence à faire : Tiffany et peinture sur verre font tous deux partie de la conception du vitrail.
Le Tiffany est simplement l’une des techniques « traditionnelles » de montage d’un vitrail : au lieu d’assembler les pièces de verre avec un réseau de baguettes de plomb, on sertit leur tranche d’un ruban de cuivre avant de les souder à l’étain. C’est une technique qui permet d’assembler des pièces en volume (les fameuses lampes Tiffany, par exemple), ou bien de très petits pièces très intriquées grâce à des soudures plus fines que celles réalisés avec du plomb.
La peinture sur verre, quant à elle, est l’étape essentielle de la réalisation d’un vitrail, encore une fois, « traditionnel ». Pensez aux vitraux d’église, c’est le meilleur exemple : chaque pièce de verre ou presque est entièrement peinte, c’est ce qui crée le motif. Le vitrail traditionnel n’existe pas sans la peinture, c’est même ce qui constitue l’étape la plus importante de la conception d’un panneau. Ce n’est pas sans raison qu’on a longtemps parlé (et qu’on parle encore) de « peintre-verrier » pour désigner la profession.
Si à présent je m’éloigne du vitrail traditionnel et que je parle cette fois de mon utilisation personnelle, le Tiffany me sert essentiellement lorsque j’ai besoin de concevoir des soudures très fines et / ou très discrètes, ou bien du volume. La peinture sur verre, je l’utilise à la fois traditionnellement (c’est-à-dire pour créer les motifs sur des pièces de verre coupées au préalable), mais également seule, pour peindre sur une pièce de verre unique un tableau voué à s’illuminer à la lumière.
Merci pour tes explications lumineuses 🙏🏻
Quel souvenir de toi aimerais-tu que les gens aient gardé de toi, dans cent ans ?
Très franchement : je m’en contrefiche. Je ne serai plus là pour en avoir connaissance, donc vraiment, peu importe.
Imaginons (aisément) que Maître Roger est un génie et te permet d’accomplir deux vœux, l’un pour le monde, le second pour toi : quels seront tes vœux ?
Un vœu, que ce soit pour le monde ou pour moi, ce n’est jamais assez. Soyons réaliste : il en faudrait plus que ça pour magiquement solutionner quoi qu’il y ait à solutionner à tous les niveaux, aussi, ne réaliser qu’un aspect de la solution ne servirait qu’à créer de la frustration et du malheur.
Ou peut-être... pour le monde, souhaiter qu’un voile d’amour universel, envers l’Autre, envers le monde en tant que planète, pour ce qui nous entoure, tombe soudainement...? Peut-être que cela poserait, en un vœu, les bases d’un avenir meilleur de manière générale.
Et pour moi... sans doute la même chose ?
Mais oui, je n’ai jamais sous-entendu que le vœu devait apporter une solution magique à tous les problèmes. C’est aussi ça la magie des questions très ouvertes…
J’ai essayé de donner dans l’altruisme. Je ne suis pas sûr que j’en serais capable si cela m’arrivait vraiment, mais j’aime m’en convaincre.
Ton interview a été recommandée par @GabrielKevlec ; où te trouvais-tu, que faisais-tu quand tu as appris cette nouvelle ?
Je ne prétendrais pas avoir si bonne mémoire, alors je vais me borner à émettre une hypothèse : j’étais probablement chez moi, le soir, à travailler sur mon ordinateur.
À ton tour, à qui souhaites-tu de connaître la joie céleste d’une interview dans le blog suprême ?
Je doute qu’il accepte, mais je serais curieux de connaître ses réponses dans le cas échéant.
Depuis que tu connais Maître Roger, comment ta vie a-t-elle changé ?
N’ayant pas le plaisir de réellement le « connaître », je suis hélas forcé de répondre : elle n’a changé en rien.
Ta réponse ne respecte pas DU TOUT l’esprit de cette question rituelle 😒
J’ai l’habitude de marcher en dehors des clous et à côté de la plaque :D L’avantage, c’est que cela donne d’autres perspectives.
Tu n’ignores pas que la publication de ton interview dans le blog suprême va instantanément te propulser dans le monde merveilleux des stars. Comment t’organiseras-tu pour répondre à toutes les sollicitations ?
J’engagerai un assistant à tyranniser, évidemment.
Heureux assistant #monanalyse
Où souhaites-tu dîner avec Maître Roger quand tu seras une star ?
Chez moi. Si je suis une star, je n’ai plus besoin de travailler (du moins plus autant), et j’aurais donc sans doute à nouveau le temps de cuisiner avec autant de plaisir et d’intensité que j’aime le faire.
Et tu nous prépares quoi ? 😋
Cela dépendra de l’inspiration du moment. Le plat le plus important sera de toute façon le dessert.
Vivement ta vie de star.
Mis à part les questions inspirantes de Maître Roger, qu’as-tu lu de particulièrement marquant ces jours ?
Si j’ai lu beaucoup de choses, aucune, hélas, ne m’a marqué particulièrement (ces derniers jours, du moins).
Et ces avant-derniers jours ?
Alors je mentionnerai le dernier livre qui m’a marqué, dans ce cas : « Circé» de Madeline Miller.
Quelle musique as-tu écoutée pour répondre à cette interview ?
Aucune. Lorsque je suis attelé à une tâche sur mon ordinateur, j’écoute en général des générateurs d’ambiance. En l’occurrence : pluie et violent orage derrière la vitre d’une bibliothèque.
Quelle image (tous publics) choisis-tu pour illustrer ton interview et pourquoi ce choix ?
J’hésite entre deux tableaux : « Gnome regardant le train » de Carl Spitweg ou « Chat à la fenêtre d’un cottage » de Ralph Hedley.
Et Tom of Finland, dans tout ça ?
Il me semblait impensable de ne pas amener son œuvre au verre. Déjà parce que c’est un des artistes ayant modelé et influencé l’imagerie et l’érotisme de la culture gay et plus largement, queer. Et ensuite, parce que la bande-dessinée, de manière générale, est excessivement agréable à reproduire en peinture sur verre. Et puis, j’adore son œuvre.
C'était l'interview de Gianni di Lorena (@FaQuatrieme2)
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