On ne présente plus Nora Gaspard, blogueuse puis autrice, écrivaine. Fière organisatrice du Love & Sex festival, à Namur. Photographe de la peau des hommes. Et tant d'autres mots...
#monanalyse
le 8 NOVEMBRE 2021,
L'interview de Nora Gaspard (@NoraGaspard)
Pour en savoir plus :
Darling, - Nora Gaspard
Bonjour Nora, qui es-tu ? Où vas-tu ?
Je suis une licorne à paillettes. Plus sérieusement, je suis une femme avec des seins, un sexe, un cerveau hyperactif, et un cœur gros comme ça. Je suis une travailleuse du texte, de ces autrices que le désir inspire, que la chair nourrit, que l’imaginaire domine.
C’est la deuxième fois que je t’interviewe, la précédente nous ramène à l’époque de mon mythique web-journal satirique francophone de bon goût créé en 1999. C’était à l’époque où tu étais une blogueuse déjà célèbre, et une twitta à la PP légendaire. C’était le 30 mai 2014. Tu venais de publier « Hurler des fleurs ».
Si tu devais parler juste d’une seule chose importante qui a changé dans ton monde, depuis ce temps, quelle serait-elle ?
J’ai changé de couleur de cheveux. Et personne ne mesure à quel point ça a radicalement changé ma vie.
Comment la couleur des cheveux influence-t-elle une vie ?
J’ai longtemps été la femme de l’ombre : l’assistante, la maîtresse, celle qu’on ne montre pas. J’écris sous pseudo, je préfère être derrière l’appareil plutôt que devant...
Et puis un jour, nourrie de toutes ces vies, j’ai levé la tête, assumé mes écrits, monté des projets, changé de vie, de relations, de corps, de maison, de boulot... et de couleur de cheveux.
Avant je faisais tout pour paraître "normale". Aujourd’hui, j’assume totalement d’être atomique ! Ce n’est que la dernière étape d’une lente mais radicale mue de chenille - non, pas le sextoy -, vers devenir soi.
Fichtre, me revoici philosophe.
Ah tiens, je ne connaissais pas ce sextoy. Intéressant…
Deux mois après ta première interview, nous avions organisé, t’en souvient-il, un petit concours hashtagué #concoursNora (toujours en ligne sur le Twitter, y compris la liste des lauréats), pour faire gagner ton livre à quelques-uns de nos heureux fans communs.
As-tu conscience des vies qui ont été bouleversées à cette occasion ?
J’espère qu’ils et elles y ont pris plaisir... C’est la seule mesure qui compte à mes yeux.
Certains m’ont écrit des lettres nourries de tendresse humaine, d’autres m’ont envoyé de merveilleux nudes... Je garde tout dans une boîte à fantaisie que j’ouvre le dimanche, entre 22h17 et 23h09. C’est une lourde responsabilité, de raconter le beau du cul, mais c’est un plaisir sans nom, aussi.
Vu que tu m’as envoyé tes premières réponses un dimanche à presque 22h, j’ai considéré qu’il était important d’attendre un peu avant de réagir…
Et pour toi, qu’est-ce que « Hurler des fleurs » a changé à ta vie ?
C’était émouvant, ce premier livre. J’adore écrire librement sur mon blog, partager ma production dans l’instant de son écriture, parfois même en direct. Mais le papier, pour moi, ça reste une émotion particulière. L’odeur de l’encre, le bruit des pages, le doigt sur la tranche...
Une sorte de reconnaissance matérielle de mon travail d’autrice. J’ai enfin pu écrire sur mon CV : écrivaine. J’étais fière, mais fière... Et l’émotion est la même à chaque livre qui paraît.
Il s’en est passé, des choses, depuis 2014. Tu as publié d’autres livres (que les millions de lecteurs du blog suprême trouveront dans la rubrique idoine de ton blog).
Tu as aussi organisé en mars 2019 le premier « Love & Sex festival », à Namur. Peux-tu nous expliquer le concept de ce festival ?
Oh c’est simple : on parle rarement sérieusement de l’amour et de la sexualité. Au mieux, on a trois heures de cours sur la reproduction vers 16 ans, et on apprend le reste en regardant du porn. Après, souvent, on se repose sur ses acquis, plus ou moins heureux.
Il me semble essentiel de pouvoir questionner notre désir, la façon dont nous vivons nos relations amoureuses, nos aspirations indécentes et la représentation que nous avons du sexe. Je voulais ramener du beau, montrer le travail exceptionnel des artistes graphiques, photographes, peintres, qui offrent des représentations tellement plus inspirantes que Youporn.
Je voulais qu’on puisse réfléchir à la sexualité à tout âge, aider les parents à trouver les mots pour en parler avec leurs mômes, donner des pistes aux partenaires pour explorer, parler, dialoguer, partager les difficultés et les envies, se questionner sur la façon dont la société balise notre intimité...
Bref, qu’à tout âge, on puisse parler de sexe avec liberté et sérieux, avec émerveillement aussi. Parce que le sexe, c’est beau tsé.
Qui l’organise avec toi ?
On a une super équipe, dont le noyau dur est composé de Love Sam, Sweet Marvin, Spicy Cristiana et moi. Oui, on a tous nos petits noms...
Dès le départ, on a aussi été accompagné par Lovely Sin, un fabuleux love shop namurois, et par un mouvement féministe. A cela se sont ajoutés cette année une joyeuse bande de sexologues, d’artistes, d’auteurs.
On se répartit le travail - oui, j’apprends à déléguer... C’est une vraie famille pour moi. Les amis, je vous aime.
Qu’est-ce qui t’a rendue fière lors du premier « Love & Sex festival » ?
Tout, en fait.
J’ai bossé sur pas mal de festivals et d’événements dans ma vie, et d’expérience, je savais que rien ne se passe jamais tout à fait comme prévu. Et là, le projet était culotté et audacieux, bien sûr censuré par Facebook, pas forcément soutenu financièrement...
Mais c’était juste parfait, pur bonheur ! L’enthousiasme était réel, tout le monde était heureux d’être là, la technique a suivi, et les bénévoles étaient nombreux, le public au rendez-vous... Tant les débats que les ateliers ont rencontré un franc succès. La couverture presse a été vraiment fantastique, il faut dire.
On a donné de notre personne, de notre énergie, et on a osé. Mes économies y sont passées, mais waouw, ça en valait la peine !
Une nouvelle édition du « Love & Sex festival » est en préparation et tu as lancé un crowdfunding. Pourquoi cette méthode de financement ? Comment cela s’était-il passé en 2019 ?
Le crowdfunding, c’est dur. Mais indispensable. Après la pandémie, le petit budget qui nous restait après le festival a fondu comme neige au soleil : impossible d’organiser des activités en amont pour dégager un peu de cash, et des frais à assumer tout de même : le comptable, les assurances...
On démarre l’organisation avec rien. Or, ici, après une pandémie et de catastrophiques inondations, toute l’économie est à reconstruire. Et la sexualité n’est pas la priorité. Donc côté fonds publics, bien que le sujet soit toujours pleinement d’actualité, on rencontre des portes closes.
On a donc choisi de relancer un crowdfunding, comme pour la première édition, afin d’avoir ce minimum de caisse qui permet de démarrer l’organisation : location de salle, assurances, promo... La base. Mais je le disais, c’est rude : il faut chaque jour relancer les contributeurs potentiels, je me sens entre harceleuse et mendiante, c’est difficile.
Alors on a décidé d’offrir des contreparties intéressantes pour nos généreux donateurs : ils auront la priorité pour choisir leur atelier, des pass à prix réduits, et des cadeaux fait main avec plein d’amour dedans !
Puisse chacun des millions de lecteurs du blog suprême donner juste 5€ et contribuer ainsi au Love & Sex festival en suivant le lien que voici :
Qu’est-ce que tu peux d’ores et déjà nous révéler à propos de l’édition à venir en 2021 du Love & Sex festival ?
Mmmm... On garde la même formule : des débats, des ateliers, des expos, des artistes. On parlera de bonne santé sexuelle, de point P, de fessée, mais aussi de consentement, d’accompagnement sexuel pour les personnes handicapées, de la situation du droit belge en terme de droit pénal sexuel...
Sur le côté léger, on a prévu des choses totalement fantaisiste : un peep show burlesque qu’on paie à la minute, des ateliers pour écrire une lettre d’amour torride ou apprendre à dessiner un clitoris.
Et des moments de paroles plus sérieux, avec des sexologues, des éducateurs, des témoins, pour trouver les mots justes pour exprimer ses désirs ou pour expliquer le sexe à ses enfants. Et puis, toujours, des expos, des auteurs (une belle soirée littéraire rassemblera quelques très belles plumes), de la chanson. Et enfin, un blind test géant sur la sexualité. Ça promet, pas vrai ?
Ah oui, ça promet ! Attention toutefois à ne pas mélanger les activités : blind test et point P en même temps, ça risque de faire tout drôle aux impétrants.
Hihihi, tu me rappelles ces jeux de placard, la découverte à l’abri des regards, le toucher plutôt que la vue, et le cœur qui palpite.
J’ai décidé, dans ma suprême sagesse, de t’interviewer à nouveau suite à un deal assez étrange avec Rita Renoir, qui a transgressé les procédures du blog suprême (et a pour cette raison enduré une punition sévère mais juste).
Quels ont été tes sentiments quand tu as appris le sacrifice que Rita a accepté pour toi ?
J’aime Rita. Je l’aime d’amour, depuis longtemps. C’est une artiste merveilleuse et une femme exceptionnelle. Je ne sais pas encore comment je vais pouvoir la remercier suffisamment pour son sacrifice, mais je me prosterne à ses pieds en totale dévotion.
La beauté du sacrifice est à la mesure de la beauté de la femme. Et quelle jolie écriture, ne trouves-tu pas ?
Il y a une rondeur délicate dans ses o qui me laisse bouche bée. Cette femme est une gemme !
Rita a dessiné ta PP, la couverture de ton dernier livre… quels sont vos liens à toutes deux ?
Ma PP, c’est Rita oui, comme un avant-goût de l’affiche du festival à venir. Mais la couverture de mon dernier livre... C’est moi !
Nous nous sommes aussi côtoyées sur d’autres projets, comme les cahiers d’exercice inspirés de Pierre Louÿs. Bref, c’est une longue et belle histoire, déjà.
Elle et moi aimons le rouge et le noir, elle en fait des merveilles... Rita a donné au premier festival son identité graphique.
Nous avons eu la chance de l’accueillir et l’exposer lors de la première édition, elle a sa place d’honneur pour toujours au sein de la Love Team.
Oups pardon je me suis trompé de couverture 🤦🏻♂️
En parlant de rouge et de noir, j’ai remarqué dès ta PP actuelle ce bleu très disruptif dont Rita a usé pour tes yeux. Tu as donc les yeux bleus ou c’est une ellipse poétique de l’artiste ?
J’ai les yeux bleus, oui. Très clairs, et cernés de bleu marine. C’est une marque de fabrique familiale... Je les planque derrière de grandes lunettes, sinon les hommes tombent comme des mouches.
Rita a exceptionnellement laissé sa place pour l’interview que Pamela Chougne avait recommandée.
Est-ce que tu connais Pamela et que peux-tu nous en dire ?
Je lis Pamela sur Twitter. Elle est un rayon de soleil cynique dans ma TL. Ses GIF m’émerveillent, ses tweets cash aussi ! Je suis fan !
À ton tour, à qui souhaites-tu de connaître les joies célestes d’une interview dans le blog suprême ? (un seul @ possible, je serai intraitable, et ça ne peut pas être Rita qui est toujours punie, évidemment)
J’aimerais que tu invites le délicieux Gabriel Kevlec, un homme de lettres sulfureuses et tendres à la fois, avec un sens du verbe qui me met dans tous mes états.
Il en sera ainsi, à condition bien sûr que l’heureux nommé l’accepte, dans le respect des procédures du blog suprême et de mon délai de procrastination #monanalyse
Lors de ta première interview, tu avais déjà répondu à la question rituelle « comment ta vie a-t-elle changé depuis que tu connais Maître Roger ? », et ta réponse débutait ainsi, en 2014 donc : « Maître Roger est entré dans ma vie quand j’ai rejoint Twitter, il y a un peu plus de 3 ans. J’admire son usage du guillemet, qui aurait tendance à tomber en désuétude par ailleurs. »
Outre les guillemets, admires-tu toujours Maître Roger, et pourquoi ?
Après les guillemets, j’ai savouré l’horoscope, et les bisous dans le cou... Moi je dis qu’un homme qui maîtrise avec un tel talent ces trois indispensables du bonheur mérite la gloâre éternelle, les léchages de bottes les plus assidus et une vie de luxure !
Je ne porte jamais de bottes… mais on doit pouvoir trouver un compromis #monanalyseapprofondie
Allons Maître, il y a tant de choses à lécher dans ce monde...
Je sais #jesais
Où souhaites-tu que Maître Roger t’invite à dîner pour célébrer cette nouvelle interview en 2021 et profiter ensemble de nos centaines de fans qui tomberont en pâmoison en nous reconnaissant dans les rues puis au restaurant ?
Soyons fous, Maître, allons manger dans un de ces restaurants intimes et sombres où la vie sous la table est passionnante, où la chair fond sur la langue, où le gin le plus parfumé nous monte à la tête, où les pierres bleues sont pourtant brûlantes... Je vous emmènerais à L’Espièglerie, dans ma ville de Namur.
Alors je viens d’aller faire un tour sur leur site et rien n’est précisé quant aux activités sous la table… alors que j’étais si curieux de mieux comprendre ce dont il s’agit…
Sous les longues nappes, tu sais, parfois les mains se perdent, et les hommes s’agenouillent.
Ah, intéressant #monanalyse
Hormis les questions brillantes de Maître Roger, qu’as-tu lu de particulièrement marquant ces derniers temps ?
Dans mes dernières lectures - toujours en cours - je m’émerveille des Biotanistes, d’Anne-Sophie Devries. Une brique passionnante, un autre monde, entre fantaisie et manifeste. À lire, résolument.
Quelle musique as-tu écoutée pour répondre à cette interview ?
Je pourrais te dire BTS, mais je devrais justifier ma folle attirance pour les éphèbes aux abdos de chocolat, ce qui a priori parle plus à mes yeux qu’à mes oreilles. Mais ensuite, il y avait dans ma play list Pavarotti (Nessun Dorma) et Aretha Franklin.
Coïncidence, nous sommes musicalement compatibles.
Quelle image choisis-tu pour illustrer ton interview et pourquoi ?
Le ciel étoilé, la nuit, avec de très légers nuages cotonneux... C’est mon évasion, mon repos de l’âme les longues soirées d’hiver, les jours de doute ou de grande fatigue.
Et la peau des hommes, dans tout ça ?
La peau des hommes, Maître, c’est l’ultime réconfort. Quand il fait froid, quand la journée a été rude, quand le monde grogne, il suffit d’un peu de peau d’homme sous la main ou contre le sein, de cette chaleur plus douce quand on est nus, de cet abandon en confiance contre la chair pour reprendre force, pour se dire que demain, tout est possible, réussir ce crowdfunding et rendre le monde plus beau. Si tu en prends suffisamment, ça te colle un sourire indécent sur la face, de ces éclats dans les yeux qui suintent la joie...
C’est fort, la peau des hommes, c’est très fort.
C'était l'interview de Nora Gaspard (@NoraGaspard)
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